Pas d’enfants à Auschwitz ?
La déportation de persécution depuis la France : Monique et Sam Braun
Tués dès leur arrivée, cachés ou sujets d’expériences médicales, les enfants sont les oubliés de la Shoah. Longtemps, il a été dit qu’il n’y avait pas eu d’enfants dans les camps de concentration d’Auschwitz, jugés inutiles par les nazies. On compte 1,1 million de personnes tuées sur le camp d’Auschwitz-Birkenau. Cependant, n’oublions pas que parmi les survivants, les miraculés d’Auschwitz noyés dans le chaos, il y avait des enfants. Innocents et crédules, les enfants d’Auschwitz se sont vu retirer leur jeunesse, leur vie. Sans explications, en un éclair de secondes, ils ont tout perdu. Séparés de force de leurs parents, ces enfants ont dû faire preuve d’une maturité sans nom pour survivre. Parmi les enfants qui sont passés par l’horreur d’Auschwitz, on compte Monique et Sam Braun.
Monique et Sam sont issus d’une famille de 4 enfants. Avant la Seconde Guerre mondiale, leurs parents, nés respectivement en Russie et en Pologne, fuient les persécutions antisémites et trouvent refuge à Paris. Ils s’installent, finalement, à Clermont-Ferrand avec leurs 4 enfants en 1937. Le 12 novembre 1943, la milice française arrête le père de famille, mais elle repart finalement avec le couple, Monique âgée de 10 ans et Sam âgé de 16 ans. Après leur passage à Drancy, ils sont conduits à Auschwitz le 7 décembre dans le convoi 64.
A leur arrivée, le 10 décembre 1943, Monique et ses parents sont directement gazés. Sam est sélectionné pour le travail et est donc séparé de sa famille puis envoyé à Auschwitz III là où il survit à la faim et aux travaux forcés. Il y subit d’horribles violences. Il est notamment terrassier pour l’IG-Farben aux côtés du chimiste italien Primo Levi. Il y tombe malade après une intoxication alimentaire. Ce camp est évacué le 18 janvier 1945, Sam est alors conduit vers un autre camp, commence alors la « marche de la mort ». Pendant plus de 4 mois, ils ne mangent presque pas, si ce n’est de l’herbe qu’il trouve dans les champs. Il tombe grièvement malade et est forcé de s’arrêter puisqu’il est quasiment jeté du train sur lequel il est. Il se retrouve alors aux côtés d’une centaine d’autres détenus trop faibles pour continuer, sur le quai d’une gare. Alors que son destin aurait pu être celui d’être gazé comme ses parents et sa sœur, il est sauvé par des résistants tchécoslovaques déguisés en SS. Il est libéré à Prague au mois de mai 1945. A sa libération, Sam ne fait que 35 kg pour 1,77 m et est donc hospitalisé. Cela illustre les conditions déplorables de la détention et l’enfer qu’il a subi tout comme l’ensemble des détenus des camps d’Auschwitz.
Sam est donc le seul rescapé de sa famille, il fait son retour en France et y retrouve son frère et sa sœur qu’il a quitté plus de deux ans auparavant. Il obtient son bac et étudie en faculté de médecine avant de devenir médecin. Sam connaît deux mariages, deux unions desquelles découleront 4 enfants. Il prend sa retraite en 1986 puis commence à raconter son histoire après 40 ans de silence. Jusqu’à sa mort, il témoigne de son passé auprès de la nouvelle génération. Il publie un livre en 2008 intitulé Personne ne m’aurait cru, alors je me suis tu. Il s’agit d’un entretien avec Stéphane Guinoiseau. Il y témoigne sa vie de sa naissance à sa déportation. Pour lui, parler des victimes permet de les faire vivre. Sam Braun décède le 11 juillet 2011. En hommage à Sam et à sa sœur Monique qui font partie des enfants ayant franchi les portes d’Auschwitz, une photo des enfants est affichée dans la salle des enfants au mémorial de la Shoah aux côtés de 11 000 autres enfants déportés de France.
Coline DELACROIX
Source :
Les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi, CNRD 2008-2009, Mémoire vivante, N°57, septembre 2008
https://www.magnard.fr/auteur/braun-sam
https://www.babelio.com/auteur/Sam-Braun/94229
Entrée du camp d’Auschwitz II, vue de l’extérieur
Entrée du camp d’Auschwitz I
Vue d’une allée de blocs dans le camp d’Auschwitz I
Entrée du block 10 où se déroulaient les expériences médicales
Le « pavillon » français du musée d’Auschwitz (ancien bloc 20) rend hommage à Georgy
Dans le camp des familles tsiganes à Birkenau : vestiges du bloc réservé aux expériences de Mengele
Entrée du block 10 où se déroulaient les expériences médicales
Photographie d’une pièce de l’intérieur du bloc 10
A Birkenau, devant les vestiges des entrepôts du « Kanada », une photo d’archive du tri des bagages par les détenues.
Ruines des entrepôts du « Kanada »
Vue des ruines des entrepôts du « Kanada » depuis le « Sauna »
Avant la construction des 4 Krématorium et leur mise en service au printemps 1943, les juifs étaient exterminés dans deux fermes aménagées, à Birkenau. Ici les vestiges de « la maison rouge »
Les sœurs Bucci ont franchi ce portail de Birkenau et ont été sélectionnées, le long de ces rails, pour les expériences médicales du Dr Mengele, qui les a pris pour des jumelles.
Entrée du camp d’Auschwitz II, vue de l’extérieur
Vue depuis la voie ferrée à l’intérieur du camp d’Auschwitz II Birkenau, où les arrivées et sélections s’effectuaient à partir du printemps 1944.
Vue de l’intérieur du camp d’Auschwitz II et de la voie ferrée où Georges Halpern est arrivé
Vestiges d’un des 4 Krematorium du centre de mise à mort de Birkenau
Photographie du « camp des familles »
Entrée du « camp des familles »
Ruines du Krematorium V où furent gazés les tsiganes dans la nuit du 2 au 3 août 1944
Andra et Tatiana Bucci
Très petites, des lois anti-juives apparaissent brusquement et leurs vies sont bouleversées : elles sont humiliées à l’école, et leur père est enrôlé dans la guerre. Malgré cela, elles s’amusent sur les plages avec leur cousin, Sergio.
Quelques mois plus tard, en septembre 1943, la mise en place de la “Solution finale” en Italie entraîne un rejet de la communauté juive, et le 28 juin 1944, elles sont arrêtées.
Ces deux jeunes filles, alors âgées de 4 et 6 ans, n’ont pas de souvenirs précis, mais elles se souviennent que, durant le long voyage, il faisait noir, elles étaient très serrées, ne pouvaient pas bouger. Néanmoins, elles se souviennent très bien de leur arrivée à Auschwitz-Birkenau car les cris et les aboiements les ont laissées sans voix. Les nazis opèrent ensuite la sélection après laquelle les enfants et les vieillards, qui sont dits “inaptes au travail”, sont conduits vers les chambres à gaz. Malgré cela, les deux filles survivent, et sont un peu plus tard placées avec d’autres enfants dans une baraque à Birkenau, sans chauffage, ni confort, et sont entourées de boue. Elles apprennent un peu plus tard que cette baraque est en fait destinée au Dr Mengele, afin de réaliser des expériences cruelles sur les enfants. Elles s’imaginent alors qu’elles ont pu survivre grâce à leur ressemblance, les SS ont en effet pensé qu’elles étaient jumelles, ce qui aurait permis au Dr Mengele d’établir d’autres expériences sur elles. Quelques jours plus tard, elles font la rencontre d’une blockawa (surveillante de la baraque), qui s’est montrée très protectrice avec elles, et les a prévenues que les SS allaient venir chercher vingt enfants en prétendant “les amener avec leur maman” mais qu’il ne fallait surtout pas y aller car ils allaient les conduire dans les chambres à gaz. Elles ont alors pu survivre, mais leur cousin Sergio y est malheureusement parti, et cela les attriste beaucoup. Elles ont finalement été « libérées » le 27 janvier 1945 à l’arrivée des Russes, qui découvrent l’horreur. Les SS avaient quant à eux pris la fuite, et certains sont jugés et accusés de “crime contre l’humanité” lors du procès de Nuremberg après lequel ils sont sévèrement punis.
Une fois hors du camp, les deux filles ne parvenaient pas à parler, c’était pour elles très difficile de repenser à cela, et ont dû discuter avec plusieurs éducatrices psychologues afin de pouvoir délivrer leur terrible histoire.
Steven FLODROPS
Les sœurs Bucci ont franchi ce portail de Birkenau et ont été sélectionnées, le long de ces rails, pour les expériences médicales du Dr Mengele, qui les a pris pour des jumelles.
Source :
Laura Fontana, « Pas d’enfants à Auschwitz ? Les sœurs Andra et Tatiana Bucci, les plus jeunes rescapées italiennes de la Shoah », Revue d’Histoire de la Shoah, n° 204, 2016, pages 335 à 353. Mémorial de la Shoah.
Georges-André Kohn (1932-1945)
Le 28 juillet 1944, Georges-André Kohn, ses parents Armand et Suzanne, ses frères et sœurs Antoinette, Philippe et Rose-Marie, ainsi que leur grand-mère Marie-Jeanne, furent tous amenés par la Gestapo et par le commandant du camp de Drancy Alois Brunner, au camp d’internement de Drancy, près de Paris. Le 17 août 1944 Georges-André et sa famille sont déportés vers Auschwitz (avec un arrêt dans le camp de concentration de Buchenwald en Allemagne nazie) dans le 79e convoi qui est le dernier convoi de déportation de juifs français. Au troisième jour du voyage, Philippe et Rose-Marie (ainsi que 30 autres prisonniers) réussirent à s’échapper du train. Les autres membres de la famille arrivèrent au camp de concentration de Buchenwald où ils furent tous séparés : Armand, le père est resté au camp de Buchenwald ; sa mère et sa sœur Antoinette furent envoyées au camp de Bergen-Belsen ; Georges-André et sa grand-mère sont envoyés à Auschwitz.
À son arrivée le jeune garçon âgé de 12 ans, a été sélectionné pour des expériences pseudo-médicales avec dix-neuf autres filles et garçons. Leur baraquement était situé dans « le camp principal » à Auschwitz I, il était chauffé, et les enfants, relativement bien nourris. Ils étaient régulièrement examinés à l’infirmerie. Puis, on les envoya dans le camp de concentration de Neuengamme fin novembre 1944, où Georges-André Kohn a subi de nombreuses expériences réalisées par le médecin SS Kurt Heissmeyer, comme une ablation des ganglions lymphatiques axillaires ou bien encore des injections de bacille actif de la tuberculose par piqûres intradermiques ou directement dans les poumons grâce à une sonde.
Le 20 avril 1945 à 20h00 les « autocars blancs » évacuèrent les prisonniers scandinaves du camp de concentration de Neuengamme. Le soir même, il ne restait que vingt enfants juifs âgés de cinq à douze ans dont faisait parti Georges-André dans le camp. Ils furent emmenés dans un bâtiment scolaire nommé « Bullenhuser Damm » à Hambourg. Les enfants et quatre adultes furent emmenés dans la cave, dans la salle des chaudières pour y être assassinés. Georges-André fut le premier enfant à mourir, il a reçu une piqûre de morphine puis il a été pendu. Tous les jeunes enfants, mais aussi les quatre adultes ont subi ce même sort. Le 21 avril 1945, les corps sont ramenés à Neuengamme, pour être incinérés.
Pauline HERMIER
Sources :
Stéphane Bruchfeld, Paul A. Levine (préface de S.L KLARSFELD), Dites-le à vos enfants, Histoire de la Shoah en Europe, 1933-1945, Ramsay, 2000, p.11-14
http://www.kinder-vom-bullenhuser-damm.de/_francais/georges-andre_kohn.php
Les jeunes cobayes du docteur Mengele
Josef Mengele naît en Allemagne en 1911 et suit des études de philosophie. Fasciné par Hitler, il rejoint le national-socialisme, et tourne son ambition vers la médecine dans le but de participer à la sauvegarde de la race aryenne. C’est ainsi qu’il est devenu l’un des plus grands criminels de guerre.
Mengele devient l’assistant du Professeur Otmar von Verschuer, un grand maitre de l’eugénisme (théorie cherchant à opérer une sélection sur les collectivités humaines à partir des lois de la génétique) allemand, Lors de son arrivée à Auschwitz en tant que médecin du camp en mai 1943, « L’ange de la mort » rêve de percer le secret de la gémellité. Sa passion pour les jumeaux ainsi que son objectif de prouver la toute-puissance de l’hérédité le conduit à exercer d’atroces « recherches » sur des enfants et des adultes du camp.
Josef Mengele s’occupe des sélections sur la Judenrampe, mais aussi au chevet des malades afin de déterminer le sort des innocents : les chambres à gaz ou les blocs de l’enfer. Une fois sélectionnés, Mengele envoyait dans un bloc spécial des individus « intéressants » pour ses recherches : des nains, des tsiganes, des jumeaux ou des humains atteints de malformations. Celui-ci « élevait ses sujets » jusqu’à ce que ses expériences débutent.
Le « docteur » n’est pas chercheur et le secret de la gémellité lui échappe, les observations ne suffisaient pas, il fallait donc autopsier et disséquer ses victimes. Ses recherches avaient pour unique but de démontrer l’infériorité des « races » juives et tsiganes.
Après des dizaines de jumeaux tués, des yeux hétérochromes d’enfants gitans enlevés, des humains exécutés, bouillis puis emballés et expédiés au musée d’anthropologie de Berlin et d’autres nombreuses atrocités, « l’ange de la mort » fait disparaître ses archives compromettantes à l’aide de l’institut de Berlin, avant que le camp ne soit libéré par les Soviétiques le 27 janvier 1945.
Ainsi débuta la disparition de Mengele, qui, jusqu’à sa mort, a échappé à la justice. Jusqu’en 1949, il vécut dans un chalet près de Nuremberg puis se cacha à Buenos Aires, contraint à l’exil.
Helmut Gregor (son nouveau nom) se fait passer pour un mécanicien jusqu’en 1954 où il a obtenu des papiers en bonne et due forme. Il se remarie en 1956 sous son vrai nom, et après 30 ans de cavale, sans jamais se faire arrêter, « l’ange de la mort » meurt d’une crise cardiaque et disparaît en 1979, dans l’impunité la plus totale.
Thaïs PROUVEUR
Dans le camp des familles tsiganes à Birkenau : vestiges du bloc réservé aux expériences de Mengele
Entrée du block 10 où se déroulaient les expériences médicales
Photographie d’une pièce de l’intérieur du bloc 10
Source :
Michel Cymes, Hippocrate aux enfers : les médecins des camps de la mort, Le livre de poche, 2015.
Angela Oroz – Richt, née à Auschwitz
Angela Oroz-Richt est née à Auschwitz. Elle est un témoignage vivant des atrocités que sa mère mais aussi que des millions de juifs-hongrois ont subi pendant la Shoah. Elle s’est engagée, dans un devoir de mémoire, à raconter et à témoigner pour ceux qui ne peuvent plus le faire, lors de procès de généraux ou complices de l’armée SS et de ses agissements. Son but premier, en témoignant, est de lutter contre le négationnisme et l’obscurantisme qui ont fait suite au génocide des Juifs.
Alors que la vie de sa famille en Hongrie semblait normale, celle-ci se dégrada peu à peu en 1943. Ils n’avaient plus accès aux études puis furent raflés le lendemain de Pâques 1943 et placés dans le ghetto de Sátoraljaújhely où ils sont entassés dans des conditions extrêmes. Ils sont finalement déportés et placés le 22 mai dans un train en direction d’Auschwitz.
A leur arrivée le 25 mai, ils sont directement confrontés au sort des Juifs déportés. Ils sont maltraités, brutalisés et sa mère est battue à plusieurs reprises par les soldats SS. A l’arrivée, les déportés sont sélectionnés par le docteur Mengele. A gauche, les femmes présentant des signes de grossesse, les enfants de moins de 15 ans, les personnes âgées de plus de 40 ans et les personnes fragiles, jugées inaptes au travail. Ceux-ci sont « douchés », gazés au Zyklon B et leurs biens entreposés. Ces éléments, en plus de l’agonie et la mort douloureuse que provoque ce pesticide, appuient l’incrimination de Herr Gröning, l’accusé du procès dans lequel Angela Oroz-Richt témoigne. Sa mère, Vera Otvos, est tatouée, rasée, déshumanisée et devient alors la « pièce » (stück en allemand) numéro 6 075. Elle est affectée au dépôt Canada, là où le comptable, Herr Gröning et les déportés qu’il surveille, trient les affaires des juifs tués afin de trouver les objets de valeur, les bijoux, l’argent. Son père, Tibor Bein meurt quelques temps après son arrivée au camp à cause de travaux trop lourds que son corps n’a pas pu supporter. Environ trois mois après son affectation à l’entrepôt, la mère d’Angela est transférée à un Aussenkommando afin de travailler hors du camp. Le travail est lourd, éprouvant, les détenus se contentent de manger des plantes ou des aliments pour animaux. Elle est ensuite affectée en cuisine.
Au moment de son affectation à un Aussenkommando, elle est enceinte de 5 mois. Le manque de nourriture et les souffrances que subit son corps ne permettent pas de remarquer la grossesse. Quand elle fut affectée à la cuisine, elle put se nourrir de quelques épluchures, d’Ersatzcoffee (café qui n’en était pas vraiment), de soupe parfois tiède aux herbes et de tranches de pain. Cependant, en dehors du camp, le travail était trop lourd pour elle. Elle décida de signaler sa grossesse. Contrairement à ce qui lui était destiné, elle fut envoyée au camp C pour s’occuper d’enfants et notamment de jumeaux sur lesquels le docteur Mengele faisait des expériences avec ses collègues pseudo médecins. Elle fut ensuite l’objet d’expériences « scientifiques » menées par ces médecins, visant à tester une méthode de stérilisation féminine. Alors qu’elle était enceinte de 7 mois, ceux-ci procédaient à des injections d’une substance brûlante dans le col de son utérus, juste devant le fœtus. Ces expériences étaient suivies d’extrêmes douleurs et d’une stérilisation effective. Etant très peu nourrie, le fœtus demeura minuscule et c’est peut-être cela qui les sauva toutes les deux. Après 8 mois de grossesse, le docteur Gisella Perl lui propose l’avortement car son bébé allait soit mourir soit être utilisé à des fins scientifiques cruelles. Elle refuse et échappe tout de même à la chambre à gaz. Une autre femme s’est fait lier ses seins par le docteur Mengele pour qu’elle ne puisse pas nourrir son nouveau-né. A sa naissance, Angela, ne pèse qu’1kg, et ne pleure pas. Elle est née 3 jours avant noël, soit le 21 ou le 22 décembre 1945, et, juste après l’accouchement, sa mère, Vera a dû assister à l’appel nominal quotidien qui la força à rester debout un long moment. Malgré le peu de nourriture que Vera ingurgite, elle parvient à nourrir son enfant avec son lait maternel.
Un seul autre bébé sort vivant à la libération d’Auschwitz le 27 janvier 1945. Sa mère n’ayant pas de lait pour allaiter son enfant, Vera le nourrit en même temps que son propre enfant.
A la sortie du camp, sa mère a dû lutter pour s’occuper des papiers de naissance de sa fille, née à Auschwitz. Angela tombe malade en novembre, elle ne pèse que 3kg alors qu’elle approche 1 an. Elle et sa mère vont de médecins en médecins, qui refusent de la soigner ne sachant pas comment faire. Elle ne bouge quasiment pas. Le dernier médecin l’a mise à l’épreuve en la pendant par les pieds. Ayant relevé la tête, il décida de l’aider elle et sa mère. Vera Bein meurt d’un cancer le 28 janvier 1992, un jour après la date anniversaire de la libération d’Auschwitz et après avoir ressassé les images et les horreurs vécues dans le camp.
Angela, sa fille, est retournée à Auschwitz en 2015, 70 ans après afin de revenir sur ses traces, malgré la douleur. A présent et depuis quelques années, elle dit n’avoir survécu que pour une seule raison : « témoigner pour ceux qui ne peuvent plus parler ». Elle tient à faire entendre le témoignage de sa famille et des autres juifs qui ont subi ces abominations et veut que jamais cette partie de l’histoire ne soit enterrée. Ces événements sont impardonnables à ses yeux et aux yeux de tous les juifs qui, à ce jour, sont toujours hantés par cette période de l’histoire.
Tom ALLAMANDO
A Birkenau, devant les vestiges des entrepôts du « Kanada », une photo d’archive du tri des bagages par les détenues.
Ruines des entrepôts du « Kanada »
Vue des ruines des entrepôts du « Kanada » depuis le « Sauna »
Sources :
« L’émouvant récit d’Angela Orosz-Richt, née à Auschwitz », Ouest France, février 2016, https://www.ouest-france.fr/monde/lemouvant-recit-dangela-orosz-richt-nee-auschwitz-4032434
Eszter Cseke et Andras Takacs, Née à Auscwhitz (documentaire), 2019
Anny Horowitz
Avec sa mère et sa sœur, Anny fut déportée le 11 septembre 1942 vers Auschwitz-Birkenau. Lorsque le convoi arrive le 13 septembre, seuls deux hommes et 78 femmes sont sélectionnés pour des travaux forces et tatoués.
Les autres, dont les 131 enfants parmi lesquels Anny, 9 ans, et sa sœur Paulette, 7 ans, sont gazés à leur arrivée. En 1945, on ne dénombrait que 13 rescapés sur les 1.000 déportés que comprenait ce 31e convoi.
Lucas CHOMBART
Avant la construction de la voie ferrée dans Birkenau au printemps 1944, les convois arrivaient sur la « Judenrampe », située entre Auschwitz I et Auschwitz II.
Ici, vue de l’un des deux wagons à bestiaux qui symbolisent aujourd’hui l’arrivée des convois.
Avant la construction des 4 Krématorium et leur mise en service au printemps 1943, les juifs étaient exterminés dans deux fermes aménagées, à Birkenau.
Ici les vestiges de « la maison rouge »
Sources :
Stéphane Bruchfeld, Paul A. Levine (préface de S.L KLARSFELD), Dites-le à vos enfants, Histoire de la Shoah en Europe, 1933-1945, Ramsay, 2000, p. 21
https://deportation.yadvashem.org/?language=fr&itemId=5092604
Mairie de Paris, plaquette réalisée par Les Fils et filles des déportés juifs de France pour l’exposition « Les 11 400 enfants juifs déportés de France, juin 1942-août 1944 », Mars 2007.
La déportation de persécution depuis la France : Monique et Sam Braun
Coline DELACROIX
Avant la construction de la voie ferrée dans Birkenau au printemps 1944, les convois arrivaient sur la « Judenrampe », située entre Auschwitz I et Auschwitz II. Deux wagons à bestiaux symbolisent aujourd’hui l’arrivée des convois.
Dans le « pavillon » français dans le musée d’Auschwitz chacun des convois partis de France est représenté par une plaque avec le nombre de victimes gazées directement ou sélectionnées pour le travail
Source :
Les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi, CNRD 2008-2009, Mémoire vivante, N°57, septembre 2008
https://www.magnard.fr/auteur/braun-sam
https://www.babelio.com/auteur/Sam-Braun/94229
Simone Veil (1927-2017)
À l’âge de 16 ans et demi Simone Veil est arrêtée à Nice en mars 1944 suivie par les autres membres de sa famille, hormis sa sœur Denise, engagée dans la Résistance, qui sera arrêtée plus tard et déportée à Ravensbrück. Le 13 avril 1944 soit deux semaines après leur arrestation, Simone, sa mère et sa sœur Madeleine sont envoyées de Drancy dans le convoi n°71 à destination d’Auschwitz-Birkenau tandis que son frère et son père sont conduits en Lituanie où ils sont rapidement assassinés. Le voyage fut très pénible et dura deux jours et demi. Dans le wagon où sont entassés les déportés, les conditions de vie sont très dures : il n’y avait pas de place, ni à boire, ni de nourriture. De plus, il n’y avait pas d’hygiène donc beaucoup de déportés mouraient durant le trajet à cause des conditions de vie déplorables. Dans les trains régnait un climat solidaire, mais aussi la loi du plus fort. Simone, sa mère, sa sœur et les autres déportés sont arrivés au camp durant la nuit ce qui les déstabilisa. Dès leur arrivée, les déportés étaient triés selon leur sexe, mais aussi selon leur âge et leur condition physique, première sélection pour les chambres à gaz ou le travail.
Simone Veil ne doit sa survie qu’à la faveur de son arrivée « tardive » (le 15 avril 1944) et à son transfert ensuite à Bobrek, ce qui lui a permis d’avoir de meilleures conditions qu’à Auschwitz. Les conditions de vie étaient très dures dans le camp de concentration de Birkenau. Les blocks étaient très vétustes, il y avait très peu d’espace, les déportés étaient 5 ou 6 par « lit », lit qui en réalité est composé de simples planches en bois superposées, les déportés étaient réveillés vers 4-5h du matin, de plus le travail était très dur. Durant sa détention, Simone Veil se lia d’amitié avec Marceline Loridan et Ginette Kolinka. Simone eut de la «chance», car dès son arrivée elle ne fut pas rasée elle a donc gardé sa figure humaine. Puis, en juillet 1944, grâce à l’intervention d’une chef de camp polonaise nommé Stenia qui a été sensible à sa beauté, la jeune femme est affectée à un commando de travail en dehors du camp, à Bobrek. Dans ce camp, les conditions de vie étaient meilleures, sa mère et sa sœur l’accompagnent jusqu’à l’évacuation du camp, en janvier 1945. Durant l’exode forcé des déportés à travers la Pologne et l’Allemagne pour gagner le camp de Bergen-Belsen Simone et sa sœur survivent, mais cependant cet exode est fatal à sa mère, qui meurt en mars 1945. Le camp est libéré le 15 avril 1945, la détention de Simone et de sa sœur a duré 13 mois.
À la sortie du camp, elle épousa Antoine Veil en 1946. De plus, elle étudie le droit et les sciences politiques. Simone Veil devient une magistrate et une femme d’État française. En 1974, elle est nommée ministre de la Santé par le président Valéry Giscard d’Estaing. Elle apparaît dès lors comme une icône de la lutte contre la discrimination des femmes en France. De façon générale, elle est considérée comme l’une des promotrices de la réconciliation franco-allemande et de la construction européenne. Elle est la première présidente du Parlement européen en 1979. Elle fut élue en 2008 à l’Académie française. Simone Veil fut marquée à vie de son passage dans les camps de concentration. Elle dit elle-même qu’elle resta à fleur de peau sur certains sujets, elle ne supporte pas d’être frôlée et la promiscuité.
Pauline HERMIER
Vue de quelques blocs du camp des femmes
Vue depuis la voie ferrée à l’intérieur du camp d’Auschwitz II Birkenau, où les arrivées et sélections s’effectuaient à partir du printemps 1944.
Sources :
Simone Veil, Récit recueilli par David Teboul, L’aube à Birkenau, les Arènes, 2019, p.69-93
https://www.herodote.net/Une_heroine_pour_notre_temps-synthese-2428.php
Gerorges Halpern de la colonie des enfants d’Izieu
Georges Halpern, surnommé Georgy, était un des résidents de la colonie des enfants d’Izieu. Assassiné suite aux ordres de Klaus Barbie à l’âge de 8 ans. Victime innocente parmi tant d’autres.
Georges est né à Vienne en Autriche le 30 octobre 1935. Ses parents, Julius Halpern et Séraphine Halpern, sont tous les deux d’origine polonaise.
Le petit Georgy est placé dans un foyer de l’œuvre au secours des enfants dans la Creuse en 1942 suite à la prise de pouvoir de l’Allemagne sur la France.
Il est ensuite interné au camp de Rivesaltes puis libéré le 9 octobre par Sabine Zlatin. Georges échappe aux rafles de l’été 1942. Plusieurs convois sont effectués à cette période, 41 951 Juifs sont déportés de France vers Auschwitz dont 6 000 enfants dans 43 convois.
Séraphine Halpern place Georges dans le refuge d’Izieu en mai 1943, celui-ci accueille et protège des enfants juifs durant la Seconde Guerre mondiale.
Il était en quelque sorte une « plaque tournante » pour le sauvetage d’enfants juifs généralement orphelins. Durant ses onze mois d’existence, 105 enfants âgés de 4 à 17 ans y ont été hébergés malgré l’absence de leurs parents qui étaient soit internés dans des camps, soit décédés ou encore qui s’enfuyaient du pays. Les enfants ne manquaient de rien à Izieu et étaient encore hors de la menace allemande.
La colonie était en réalité bien plus qu’une maison, c’était une organisation caritative juive, tolérée par le régime de Vichy. Son but visait à protéger tous les enfants venus d’Europe. Cette maison était dirigée par des juifs Français : Sabine Zlatin, infirmière et son époux, Miron Zlatin.
Lorsqu’elle fut renvoyée à cause de sa religion et de l’antisémitisme, elle travailla en sa qualité d’infirmière dans des camps de concentration et elle réussit à extraire quelques internés.
Georges arrive à Izieu le mardi 18 mai 1943. Ses parents, Julius et Séraphine Halpern sont prévenus. Lors de son arrivée, la maison compte 70 enfants, même si la capacité d’accueil maximum négociée avec le régime de Vichy était 40. Dix éducateurs ont également été présents dans la maison pour s’occuper des enfants.
Au vu du contexte critique pour tous les Français de confession juive, Sabine Zlatin songe à une dispersion des enfants de la colonie et leur cherche des lieux d’accueil. Mais le 6 avril 1944, tous les occupants de la colonie sont raflés soit 44 enfants et 7 adultes. Le plus jeune, Albert Bulka surnommé « Coco » avait 4 ans. Le plus âgé, Arnold Hirsch avait 17 ans. Ils sont emmenés à la prison du fort Montlus à Lyon, puis à Drancy le 8 avril. Après plusieurs mois de demeure pour Georges et les autres enfants dans la colonie, ils partent dans différents convois pour Auschwitz.
Georgy est dans le convoi n°71 composé de 1500 personnes. Se trouve Albert Bulka ainsi que d’autres enfants de la colonie mais aussi Simone Jacob (plus connu sous le nom de Simone Veil, 16 ans à ce moment-là). Le train prend la direction d’Auschwitz via Metz et l’Allemagne. Le convoi arrive à destination dans la nuit du 16 avril. Les personnes jugées « inaptes » au travail sont condamnées à la chambre à gaz.
Georges Halpern est gazé dès son arrivée ainsi que les 43 autres enfants présents à ce moment dans la colonie.
Les parents de Georgy, Séraphine et Julius Halpern ont survécu à la Guerre et se sont portés partie civile dans le procès de Klaus Barbie, officier de police SS sous le régime nazi qui avait ordonné la rafle des enfants de la colonie. Il a été condamné le 4 juillet 1987 à la réclusion à perpétuité pour crime contre l’humanité.
Thaïs PROUVEUR
Vue de l’intérieur du camp d’Auschwitz II et de la voie ferrée où Georges Halpern est arrivé
Le « pavillon » français du musée d’Auschwitz (ancien bloc 20) rend hommage à Georgy
Vestiges d’un des 4 Krematorium du centre de mise à mort de Birkenau
Source :
Pierre-Jérôme BISCARAT, D’Izieu à Auschwitz, l’histoire de deux enfants dans la Shoah, librio document, 2014
Karol Pila : "l'enfant d'Auschwitz"
À l’âge de 11 ans, sa mère, sa sœur et lui sont raflés et conduits dans le stade de Bedzin en Pologne en 1943. Sous les ordres de leur mère, sa sœur et lui parviennent à s’enfuir du stade en échappant à un garde distrait. S’en suit une lutte contre les habitants de leur propre ville, auprès desquels ils ne pouvaient rien mendier, de peur de se faire dénoncer. Peu de temps après, sa sœur fut raflée, lui parvint à survivre encore un peu avant de se rendre lui-même aux soldats nazis au milieu de l’année 43 forcé par la menace des Polonais qui voulaient le dénoncer voire le tuer. Après avoir été emmené dans un ghetto et avoir refusé l’aide d’un soldat SS, il est déporté à Auschwitz en janvier 1944. Il est alors âgé de 12 ans et arrive au camp d’Auschwitz II (Auschwitz Birkenau).
Là-bas, dès son arrivée, lui qui est prédestiné à être gazé comme tous les autres enfants et les invalides, tient tête aux soldats SS et parvient à convaincre un officier de le faire travailler dans le camp. L’enfant parvient alors à se faire une place dans le camp et est apprécié des déportés et de certains soldats SS. Il se vit attribuer un tatouage, comme tous les autres adultes mais eut le privilège inédit de devenir coursier alors que les autres détenus travaillaient jusqu’à l’épuisement ou étaient gazés. Il fut en charge d’accueillir les nouveaux déportés qui, comme tous les autres, allaient être triés en fonction de leur validité. Il put garder ses cheveux et eut des vêtements sur mesures. Malgré tout, il fut persécuté, humilié, violenté et considéré comme une vulgaire distraction, un jouet forcé à se battre contre d’autres déportés adultes. Il fut notamment jeté dans l’eau, alors qu’il ne savait pas nager et réprimandé sévèrement pour chaque mauvais geste. Cependant, il resta un messager d’espoir aux yeux des autres détenus.
Après avoir été changé de camp, un an après son arrivée en janvier 1944, déplacé vers Mauthausen (en Autriche) puis Melk (annexe de ce même camp), il vit enfin la fin de son enfer à la libération du camp de Melk, le 5 mai 1945. Dès lors, un sergent américain le prit sous son aile et l’emmena en France, où, non sans encombre, il a fini par trouver une famille adoptive. Durant plus de 50 ans, Karol Pila a tu son histoire et les sévices qu’il a subis et qui hantaient ses nuits. Ce n’est qu’en 1995, soit près de 50 ans plus tard, qu’encouragé par sa femme, il écrivit une lettre à son fils pour lui raconter l’histoire du nom « Pila ». Le surnommé « enfant d’Auschwitz » malgré lui, se sent libéré et serein quant à l’avenir de sa famille.
Tom ALLAMANDO
Vue de l’extérieur du camp : portail d’entrée de Birkenau que Karol Pila a franchi à 12 ans.
Vue de l’intérieur du camp : Karol Pila a survécu à la sélection qui s’effectuait le long de la voie ferrée.
Sources :
https://www.jewishgen.org/forgottencamps/Camps/MelkFr.html
https://www.rfi.fr/fr/emission/20170128-shoah-juifs-memorial-pila-enfant-auschwitz-documentaire
https://www.lepoint.fr/culture/l-enfant-d-auschwitz-02-07-2012-1479951_3.php
Les enfants du « Kinderblock »
A leur arrivée à Auschwitz, tous les enfants de moins de 16 ans accompagnés de leurs mères et qui n’étaient pas en état de travailler, étaient envoyés pour être assassinés dans les chambres à gaz contre leur gré. Le Kinderblock à l’intérieur du « camp des familles » a été créé par les nazis en septembre 1943 pour anticiper et préparer une éventuelle visite de la Croix Rouge. Il avait pour objectif de ne pas séparer les familles et donc de donner une bonne image des camps nazis pour les personnes extérieures.
A l’origine les détenus de ce camp étaient enfermés dans le ghetto de Terezin en Tchécoslovaquie, il était considéré comme un « ghetto modèle ». Ensuite, les juifs prisonniers dans ce camp furent déportés et internés en famille à Birkenau, toujours pour servir de camp-modèle. Ce camp permettait de ne pas séparer les familles seulement pour un temps limité. Les parents pouvaient donc rester avec leurs enfants sous le regard des SS sans avoir de problème, ce qui permettait aux enfants de ne pas bousculer leurs habitudes de vie (ce camp était une exception parmi tous les autres camps).
Nous avons pu retrouver quelques témoignages de ce Kinderblock, notamment celui de Dita Kraus qui est née à Prague en 1929. Elle a été déportée en novembre 1942 à l’âge de 13 ans tout d’abord à Theresienstadt puis à Auschwitz. En 1943, à l’âge de 14 ans avec son père et sa mère, elle entre pour la première fois dans le Kinderblock. Un peu plus tard, elle arrive à devenir « bibliothécaire » du Kinderblock, elle permet à de nombreux enfants de pouvoir vivre une vie « normale » en leur donnant la possibilité de continuer à lire, à jouer … Dita Kraus est une des figures emblématiques de ce « bloc des enfants ».
Ce camp a fini par être « liquidé » comme tant d’autres mais certaines personnes ont réussi à survivre comme Dita Kraus car il y a eu une sélection des personnes aptes à travailler ailleurs dans d’autres camps.
Lucas CHOMBART
Plan du « camp des familles ». Le Kinderblock était le bloc numéro 31.
Entrée du « camp des familles »
Source :
Chochana Boukhobza, Un kinderblock à Birkenau (documentaire), Les Films d’ici éditions, 2019
Dita Kraus, « bibliothécaire d’Auschwitz »
C’est le cas de Dita Polachov, née à Prague en 1929. Petite, elle profite de son enfance et joue avec ses amis d’une manière insouciante. Mais, après l’apparition des lois antisémites, elle est amenée avec ses parents en 1942 à Theresienstadt, à l’âge de 13 ans dans le ghetto-modèle et une année après conduite vers le camp de Birkenau en décembre 1943.
Le long voyage, dans un wagon de marchandises, est épouvantable, les déportés sont nombreux, dans le noir et dans le silence absolu et elle se souvient de l’odeur terrible, causée notamment par les déjections des déportés. À leur arrivée, Dita et sa famille sont séparés. Sa mère et elle arrivent dans un bâtiment où règne un froid glacial, et doivent se plier aux exigences des SS. C’est très vite que face à cette horreur, Dita est totalement anéantie, et désire mourir, car elle ne possède plus “la moindre étincelle d’espoir”. Elles gagnent ensuite le camp BIIb, où elles rencontrent toutes deux des personnes de leurs anciennes vies, mais sont conscientes que la mort est imminente et les regarde de très près. Dita Kraus dort dans des conditions effroyables, sans aucun confort, entourée de détenus ayant des maladies graves dues aux conditions de vie épouvantables. Elle se souvient de quelques connaissances, mortes auprès d’elle, qui resteront gravées dans ses souvenirs, comme son père, trop affaibli pour survivre, et qu’elle a vu souffrir avant de mourir. La jeune tchèque, ayant menti sur son âge, parvient à obtenir le poste de responsable de la bibliothèque du bloc 31, qui est le bloc réservé aux enfants, grâce à Fredy Hirsch. Elle y rencontre Otto Kraus, animateur des garçons, qui devient plus tard son époux, et malgré les morts qui se multiplient, Dita survit. Finalement, le Dr Mengele opère à nouveau une sélection des détenus capables ou non de travailler, et cette dernière, grâce à son goût pour la peinture, arrive à convaincre Mengele de peindre des portraits de Tsiganes. Pour ce dernier, qui travaille sur leurs caractéristiques physiques notamment la peau, la peinture est donc un moyen d’être plus réaliste qu’une photographie alors de mauvaise qualité. Dita parvient donc finalement à survivre avec sa mère.
Après la libération, elle ne désire plus jamais retourner dans ce camp, car la peur et la mort de son père la hantent. Elle témoigne néanmoins aujourd’hui encore, et veut passer un message aux générations futures : il ne faut pas haïr.
Steven FLODROPS
Couverture du livre autobiographique de Dita Kraus publié en 2021.
Ruines des blocks qui « camp des familles »
Sources :
Dita Kraus, Moi, Dita Kraus, la bibliothécaire d’Auschwitz, Michel Laffont, 2020
Entretien de Dita Kraus à France 24 en janvier 2020 : https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20200123-dita-kraus-rescap%C3%A9e-pour-les-enfants-la-vie-%C3%A0-auschwitz-%C3%A9tait-un-peu-moins-horrible-que-pour-les-adultes
Le camp des familles tsiganes de Birkenau (1943-1944)
Une fois arrivées à Birkenau, la grande majorité des Tsiganes est envoyée en famille dans le camp de travail situé dans le secteur B II E sans passer par la sélection qui aurait emmené les enfants à la chambre à gaz. Néanmoins, environ 2 000 Tsiganes sont gazés en raison de la maladie et notamment du typhus. On remarque une forte mortalité causée par le manque d’hygiène et les conditions dramatiques de la détention qui permet à diverses maladies de se développer au sein du camp. Parmi elles, on compte une épidémie de Noma qui touche les enfants présents dans le camp. En août 1944, on compte 17 000 Tsiganes morts de maladie.
En mai 1943, Josef Mengele fait son arrivée dans le camp des Tsiganes. Officier allemand et médecin dans les camps de concentration d’Auschwitz, c’est un criminel de guerre. Il exerce l’expérimentation médicale meurtrière, la sélection des déportés, il choisit ceux qui vont aux chambres à gaz de ceux qui vont travailler quand il fait la sélection, ce n’était évidemment pas le seul médecin à faire ceci. Son cabinet est installé juste à côté du camp des familles Tsiganes pour lui permettre de faire des expériences sur les enfants tsiganes qui représentent la très grande majorité des enfants présents à Auschwitz. Les équipes du tristement célèbre Josef Mengele, “l’Ange de la Mort” d’Auschwitz, choisissent parmi les jeunes détenus les cobayes pour leurs expérimentations médicales.
De plus, mai 1944 marque un tournant dans la détention des Tsiganes à Auschwitz. Effectivement, à cette date l’arrivée de 450 000 Juifs est programmée. Par manque de place, 3 000 Tsiganes sont déportés vers d’autres camps de travail. Cependant, ce n’est pas suffisant, la liquidation du camp des familles des Tsiganes est donc ordonnée. Néanmoins, les Tsiganes se révoltent et repoussent la liquidation qui a finalement lieu au début de l’été. Ainsi, 2 897 détenus sont exécutés dans le crématorium IV et V dans la nuit du 2 au 3 août 1944. Il s’agit en grande majorité de femmes, d’enfants et de malades. Cette exécution est jugée comme la plus difficile pour les SS, car ceux chargés de l’exécution entretiennent de bonnes relations avec les Tsiganes. Aujourd’hui, une commémoration a lieu chaque 2 août dans le secteur B II E, date à laquelle le génocide est revendiqué.
En conclusion, malgré la politique nazie établie dans le camp, des enfants vivaient dans celui-ci. Ces rares exceptions ont évité la mort qui leur était pourtant destinée. Ils ont d’abord vaincu les maladies et la faim engendrés par les conditions de vie déplorables dans lesquelles ils devaient survivre. Ils sont aussi parvenus à éviter les massacres du criminel de guerre Josef Mengele et ses expérimentations meurtrières. Finalement, amaigris et tremblants ils ont dû trouver la force de se battre pour éviter la liquidation d’abord reportée puis effectuée au début de l’été. Être un enfant dans le camp d’Auschwitz était une exception rare, y survivre l’était encore plus.
Coline DELACROIX
Ruines du Krematorium V où furent gazés les tsiganes dans la nuit du 2 au 3 août 1944
Entrée du camp des familles tsiganes (B II E)
Photographie du camp des familles tsiganes
Monument commémoratif dans le camp des familles tsiganes
Sources :
Alban Perrin, Le camp des familles tsiganes de Birkenau (1943-1944), conférence du 14/01/2019 au lycée Pasteur de Lille
« Génocide des Tsiganes : ces oubliés de la Seconde Guerre mondiale » – Geo.fr : https://www.bing.com/search?form=MOZLBR&pc=MOZD&q=G%C3%A9nocide+des+Tsiganes+%3A+ces+oubli%C3%A9s+de+la+Seconde+Guerre+mondiale+-+Geo.fr